Un débat sur l'"Aufklärung" en 1767

Martin Fontius

pp. 103-116

L’auteur se demande ce qu’il en est de VAufklärung aujourd’hui, c’est-à-dire aussi bien après que la Stasi l’avait infléchi non seulement dans le sens militaire (travail d’« éclaireurs » et de « reconnaissance ») mais bien plus dans celui de surveillance des individus et de contrainte aux aveux (Aufklärungsabteilung). Puis il se propose de retourner à un moment constitutif de l’Aufklärung : l’Académie royale de Berlin. C’est un lieu de croisement et de débat : croisement entre la référence aux Lumières françaises comprises comme un savoir public et encyclopédique, et la spécialisation des disciplines. J. H. Lambert publie en 1767 Des secours mutuels que peuvent se prêter les sciences solides et les belles lettres, Paul Jérémie Bitaubé publie la même année De l’influence des Belles Lettres sur la Philosophie. Martin Fontius étudie les thèses de ces protagonistes exemplaires et fait apparaître le réseau d’oppositions et de tensions qui structurent la pensée auklärer : entre discipline scientifique méthodologiquement et terminologiquement constituée et philosophie générale se disant dans l’éloquence des belles lettres, entre la scolastique allemande et les lettres allemandes, entre l’élite savante et le public. De là il ressort que l’Aufklärung est la recherche visant à adapter la science aux capacités de chacun ; adaptabilité extrêmement réduite selon Lambert, divulgation très possible selon Bitaubé, pour peu que l’Aufklärung, au sens restreint d’éclaircissement, soit une « littérarisation » de la science, suivant les idéaux classiques de l’éloquence. Ainsi dès 1767 l’Aufklärung apparaît non pas comme l’acquis définitif du siècle éclairé, mais comme un mouvement tensionnel, différent de la pensée kantienne du progrès, qui est au sens strict celui des conditions sociales et linguistiques de la diffusion du savoir, problème éminemment critique, sans cesse agité à l’Académie de Berlin, que l’auteur retrouve aujourd’hui dans les études sur l’histoire du « style philosophique ».

Publication details

DOI: 10.4000/rgi.488

Full citation:

Fontius, M. (1995). Un débat sur l'"Aufklärung" en 1767. Revue germanique internationale - ancienne série 3, pp. 103-116.

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