"Nul Auguste pour protecteur" 

Conscience bourgeoise et loyauté du fonctionnaire dans la Société du Mercredi à Berlin

Ursula Goldenbaum

pp. 127-141

A partir d’archives nouvellement travaillées U. Goldenbaum soulève un, voire une série de paradoxes de VAufklärung. De hauts fonctionnaire berlinois se rassemblent secrètement pour fonder une société des amis de VAufklärung, dévoués au progrès, aux réformes, à l’hygiène. Le plus important des paradoxes est que pour servir le bien public il faille être secret — pour conserver sa liberté — et dans le nombre de ses réformes la société prévoit l’interdiction des sociétés secrètes, ce qui conduira en effet à sa propre dissolution. Le rapport entre usage privé et public de la liberté se problématise autrement que chez Kant chez ces responsables politiques, fidèles à Frédéric II dans la mesure où il représente l’autorité apte à insuffler les Lumières et pour autant qu’il peut être lui-même partisan d’un progrès social et politique. Le paradoxe devient contradiction lorsque les membres de cette société se posent la question de la censure. Il est clair pour la plupart d’entre eux que le peuple n’est jamais immédiatement « mûr pour la liberté », qu’il faut — au nom même de la Raison — limiter la diffusion des Lumières et laisser une place au préjugé. La contradiction se trouve dans la nature du peuple : soit spontanéité à laquelle nuiraient les Lumières, soit brutalité inapte à les recevoir. Entre le savoir vrai, exempt de toute censure, et la réalité inéclairée, ces Aufklärers donnent à la religion la fonction pédagogique — bien plus que théologique — tout à la fois de divulgation et de limitation des Lumières. Ainsi au sein même de cette Société, située en quelque sorte dans le vecteur dur de l’Aufklärung, entre Berlin, ville du savoir aufklärer relativement libre, et Potsdam, ville du pouvoir éclairé relativement despotique, ces conseillers d’Etat réalisent les Lumières comme mouvement de crise, et en somme produisent leur propre disparition.

Publication details

DOI: 10.4000/rgi.492

Full citation:

Goldenbaum, U. (1995). "Nul Auguste pour protecteur" : Conscience bourgeoise et loyauté du fonctionnaire dans la Société du Mercredi à Berlin. Revue germanique internationale - ancienne série 3, pp. 127-141.

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