Le droit ou la force. L'instrumentalisation du droit, de la recherche du bien général, de la volonté du peuple et de l'opinion publique dans "Marie Stuart"

Gérard Laudin

pp. 71-85

Dans Marie Stuart (1800), on l’a souvent montré, l’héroïne éponyme se rapproche du sublime et atteint une autonomie morale lui assurant une victoire symbolique sur Élisabeth qui se dit asservie à son peuple. Second paradoxe apparent : Élisabeth, despotique puisque confondant droit et force, paraît user d’arguments conformes aux perspectives de l’absolutisme éclairé, alors que Marie Stuart, qui exige un procès juste, a dans le passé bafoué le Parlement écossais. En fait, Élisabeth asservit les perspectives idéologiques des Lumières à un objectif certes clairement politique (la raison d’État), mais dangereusement teinté de motivations personnelles ; elle instrumentalise à la fois le respect du droit, de son devoir de souveraine et de la volonté du peuple, en feignant de ne ratifier la condamnation de Marie Stuart que pour complaire à son opinion publique, présentée elle-même comme hautement manipulable. Loin de choisir clairement entre l’absolutisme éclairé (qui vise à sa propre conservation sous le masque de la recherche du bien général) et un parlementarisme aristocratique (susceptible de fournir une caution au pouvoir absolu), Schiller formule une double critique, en relation évidente avec le frédéricianisme et le joséphisme d’une part, la dérive ochlocratique de la Révolution française soumise à la pression populaire de l’autre. Suggérant que la manière de gouverner importe plus que la forme politique de l’État, il critique la thèse classique des arcana dans une perspective qui coïncide également avec la thèse de Kant pour qui seul un acte qui peut être rendu public est compatible avec la morale.

Publication details

DOI: 10.4000/rgi.1026

Full citation:

Laudin, G. (2004). Le droit ou la force. L'instrumentalisation du droit, de la recherche du bien général, de la volonté du peuple et de l'opinion publique dans "Marie Stuart". Revue germanique internationale - ancienne série 22, pp. 71-85.

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