Le sadomasochisme

Remarques au sujet de la philosophie sartrienne des relations concrètes dans "L'être et le néant"

pp. 63-81

L'A. articule la phénoménologie du regard de Sartre sur l'ontologie de l'être-pour-autrui. Bien qu'il soit évidemment question dans l'ontologie de l'être-pour-autrui de réciprocité, elle semble manquer dans la phénoménologie du regard. Nous montrons que ce manque n'est qu'apparent. Dans la phénoménologie du regard, cela ne fait aucun doute, il est question de réciprocité, quoique Sartre n'en analyse que l'aspect de la conscience existentielle. Cet aspect est actif et passif : je regarde et je suis regardé. A cela répondent respectivement le schème du sujet-objet et objet-sujet, comme l'a démontré J.Th.C. Arntz dans De liefde in de ontologie van J.P. Sartre (L'amour dans l'ontologie de J.P. Sartre). A l'aide de ce schème nous envisageons ensuite le rapport entre la philosophie du regard de Sartre et sa philosophie des relations concrètes. Au schème de l'objet-sujet répondent les relations concrètes, dont Sartre parle sous le titre de la « première attitude » : l'amour et le masochisme ; au schème du sujet-objet, les relations concrètes de la « deuxième attitude », notamment le désir et le sadisme. Nous nous demandons s'il est permis de qualifier les relations concrètes dans l'analyse sartrienne de réciproques. Nous attirons l'attention sur la signification de l'eidétique de la mauvaise foi justement dans cette analyse. La réciprocité semble frustrer le désir d'être de l'homme sérieux, comme le montre notamment une interrogation sur l'amour. Ceci est aussi valable pour les autres relations concrètes que Sartre a analysées. Ce qui vaut pour chacune des relations concrètes en particulier (réciprocité équivalente) vaut aussi pour le complexe formé par la première et la deuxième attitudes prises ensemble (réciprocité polyvalente). Sartre qualifie le complexe des relations concrètes de sadomasochiste, à l'exception de la haine et peut-être aussi de l'indifférence. Emprisonné dans la mauvaise foi, le sadomasochisme reste soumis à un cercle vicieux. Ce dernier ne peut être rompu en faveur d'une réciprocité authentique qui ne constitue pas un cercle mais une dialectique, que quand le cogito renonce au désir d'être Dieu. Le sadomasochisme alors semble ne pas être une perversion, mais bien la structure nécessaire et authentique des rapports humains, qui permet justement la réciprocité.

Publication details

Full citation:

(1983). Le sadomasochisme: Remarques au sujet de la philosophie sartrienne des relations concrètes dans "L'être et le néant". Revue philosophique de Louvain 81 (49), pp. 63-81.

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